Projet EcoHanok à Gwangju, en Corée du Sud
Dans le cadre de la Biennale d’Architecture Gwangju Folly, Atelier LUMA, en collaboration avec BC Architects and Studies & BC Materials, ainsi qu’Assemble, a été invité en Corée pour rehabiliter une structure Hanok abandonnée dans le quartier de Dongmyeong-gong à Gwangju.
No building is an island (Aucun bâtiment n’est une île)
John Donne
En début de projet, les réflexions initiales ont été orientées par un thème inspiré de ce poème.
Construire des bâtiments a un impact sur la manière dont on les perçoit, mais aussi sur la façon dont on comprend leur relation avec les réseaux, le travail, les matériaux, et les paysages dont ils dépendent. Aucun bâtiment n’est indépendant des contextes dans lesquels il est créé. Il devrait être conduit et inspiré par son environnement et les matériaux naturels qui l’entourent.
1. TROUVER
Lors de la première résidence de recherche en Corée du Sud, une approche biorégionale a été adoptée pour approfondir cette thématique, en explorant la région locale afin d’y découvrir des matériaux, des techniques et des expertises pouvant être utilisés dans cette approche novatrice de l’architecture et du design.
Les matériaux trouvés comprenaient à la fois des types minéraux (géo) et organiques (bio) provenant de sources diverses, comme des sous-produits et des déchets de l’agriculture marine incluant des coquilles de coquilles Saint-Jacques, d’ormeaux et d’huîtres, ainsi que des algues kombu et laver. La foresterie et l’agriculture terrestre ont également été étudiées, offrant des sous-produits tels que la paille de riz et de blé, ainsi que des matériaux moins valorisés comme le pin hinoki et le bambou. En examinant l’industrie de la construction, de grandes quantités de déchets de démolition et de terres excavées ont été identifiées. Tous ces éléments pourraient potentiellement être réutilisés pour la construction.
2. CONNECTER
Comprendre le paysage environnemental et culturel unique d’un lieu est au cœur d’une approche biorégionale en design et architecture. Ancrée dans la philosophie formulée pour la première fois par Peter Berg et d’autres dans les années 1970, la conception biorégionale tisse des ressources humaines et non humaines dans de nouvelles configurations, contribuant à la résilience et à l’adaptabilité d’un projet et, donc, d’une région, face aux changements environnementaux et sociaux.
Deux principes ont été définis au début de la recherche sur les matériaux pour le projet EcoHanok à Gwangju, en Corée du Sud :
- Utiliser les flux de déchets, les sous-produits et/ou les ressources sous-évaluées
- Combiner les formes traditionnelles de savoir-faire vernaculaire et d’artisanat coréen avec des technologies et compétences contemporaines
Après l’identification des ressources biorégionales de Gwangju, Atelier LUMA et BC Materials ont expérimenté et prototypé des applications pouvant être intégrées à la rénovation du Hanok. Le résultat ? Des matériaux bio et géo basés, tels des briques compressées à partir de coquilles d’huîtres, des enduits, des émaux pour tuiles, du papier Hanji et des panneaux à base d’algues.
Par exemple, les coquilles d’huîtres ont été transformées en agrégats fins et grossiers et en chaux vive. Avec un maçon français, Rachid Mizrahi, un processus de mélange à chaud vive inspiré par le travail de Nigel Copsey a été développé. L’une des applications de ces techniques dans le contexte coréen est l’utilisation la chaux vive issue de coquilles Saint-Jacques, car une industrie de transformation autour de ce sous-produit existait déjà.
Ce deuxième regard sur le projet, centré sur la matérialité, illustre à nouveau comment une approche biorégionale de la conception peut façonner des bâtiments durables, riches en interactions entre ressources locales, savoirs transfrontaliers, artisanat traditionnel et usages contemporains.
3. S’ENGAGER
Découvrir et connecter les matériaux et techniques tout en identifiant les acteur·rice·s locaux·ales clés constituent les premières étapes d’une approche biorégionale. Ensuite, engager ces matériaux en collaboration avec les savoirs, l’artisanat et l’industrie local forme la phase suivante. Dans ce projet, il a été possible de tirer parti de la production traditionnelle de tuiles céramiques pour toiture, de la fabrication de briques en argile, des techniques de papier hanji et d’autres savoir-faire vernaculaires comme les enduits à la chaux et l’utilisation de coques de riz brûlées pour l’isolation des toits. En collaborant avec cette diversité de techniques et acteur·rice·s locaux·ales, le projet a pu intégrer certaines de ces ressources biorégionales dans des processus de fabrication déjà existants.
La Corée du Sud, une péninsule avec environ 2413 km de côtes, possède une culture forte d’agriculture marine et de fruits de mer. Les huîtres, ormeaux et algues y sont largement consommés, générant de grandes quantités de déchets. Les coquilles constituent une source riche en carbonate de calcium, un composant que l’on retrouve dans d’autres matériaux de construction tels que le sable, la terre et la chaux.
Dans le cadre de la rénovation du bâtiment EcoHanok pour la Biennale de Gwangju, Atelier LUMA et BC Materials ont mis au point une brique compressée composée de 70% de résidus de coquilles. En combinant des granulats d’huîtres et de la chaux issue de coquilles Saint-Jacques avec des gravats de construction recyclés et des déchets de hauts-fourneaux, cette brique résiste aux conditions climatiques extérieures. Prototypée avec l’aide de Chosun University et produite par Claymax, une industrie locale de briques, elle a été utilisée pour construire une clôture de jardin et une cheminée pour le Hanok.
4. PARTAGER
Les projets d’Atelier LUMA sont interconnectés et enracinés dans la biorégion grâce à l’utilisation des ressources, de l’artisanat, des industries, des laboratoires, des universités, du patrimoine culturel et d’autres formes de savoirs. Dans ces projets, Atelier LUMA cherche des moyens de partager certains processus et techniques avec un public plus large et intéressé. Avec l’équipe locale en Corée du Sud, ils ont eu l’opportunité de collaborer et de transformer ces moments de partage en plusieurs ateliers participatifs pratiques.
Le premier de ces ateliers a porté sur la construction, en utilisant de la chaux vive dérivée de coquilles d’huîtres, mélangée à des coquilles et des granulats issus de déchets de construction, pour prototyper un mur stabilisé en huîtres compactées ainsi qu’une gamme d’enduits et de peintures à base de coquillages. Ces deux journées ont inclus la participation d’étudiant·e·s du Tad Lab University of Seoul et Chosun University Department of Architectural Engineering
D’autres ateliers publics ont exploré : la broderie sur un tapis en coton teint à l’indigo avec Studio Ohyukyung ; l’assemblage de luminaires et de portes d’intérieur avec du papier Hanji à base d’algues avec Hanok Sarang et Ilsin Handicrafts ; l’aménagement du jardin public extérieur avec des tuiles de toiture recyclées, des déchets de coquilles et des plantes locales avec Anpark et VNH Design Studio ; et enfin, le re-émaillage d’anciennes tuiles giwa à l’aide d’un émaillage à base de coquilles d’huîtres et d’ormeaux avec October Kim Studio.
5. S'IMPLIQUER
À travers la rénovation de ce Hanok, une maison traditionnelle coréenne, l’équipe a voulu tester si une approche biorégionale, démontrant qu’aucun bâtiment n’est (ou ne devrait être) une île, pouvait être appliquée dans le contexte de Gwangju et de sa région élargie. S’appuyant sur leurs collaborations passées et avec le soutien des partenaires coréen·ne·s, le Hanok a été minutieusement réparé et rénové au cours d’une année.
L’enquête sur la biorégion de Jeollanam-do a exploré des filières telles que l’agriculture d’algues, le bambou, la foresterie de hinoki et la chaîne d’approvisionnement en coquillages. Des matériaux sélectionnés ont été transformés en une multitude d’applications architecturales, comme des blocs compressés à base de coquilles et des enduits à base de coquilles d’ormeaux. Ce projet mêle des pratiques européennes axées sur la conception biorégionale au riche patrimoine artisanal et à l’économie industrialisée de la Corée du Sud. Au total, huit applications matérielles uniques ont été expérimentées dans l’Eco-Hanok, allant d’éléments structurels à des finitions d’éclairage.
Les améliorations architecturales incluent un jardin communautaire reliant deux rues et la fermeture du maru (traditionnellement un espace à ciel ouvert), transformé en véranda pour une isolation supplémentaire. Aujourd’hui, une association locale entretient le Hanok, devenu une part intégrante de la vie publique du quartier.
Ce projet fait partie de la cinquième édition de Re:Folly, portée par la Fondation de la Biennale de Gwangju et en collaboration avec BC Architects & Studies, BC Materials, Assemble et Atelier LUMA.