Julien Creuzet : Orphée ruminait des mots à l'étouffée (...)
La Tour
Underground, Niveau - 3
Du
au
Orphée ruminait des mots à l'étouffée, sous la pluie fine du brouillard ardent, anyway les serpents sont-ils sourds et muets, oubli enfoui au fin fond de l’insomnie
Julien Creuzet est un artiste français dont le travail combine le cinéma expérimental, la sculpture, la musique, la performance et la poésie. Mélangeant divers médiums, son œuvre est influencée par l'histoire de la décolonisation. Le titre de l'exposition est un extrait d'un poème de Creuzet qui interroge la relation entre centres et périphéries. Afin de comprendre la production culturelle contemporaine il nous invite à traverser divers temps et lieux géographiques. En réaction aux récits occidentaux dominants, Julien Creuzet cherche son inspiration dans l'héritage de la pensée philosophique et de la production littéraire afro-caribéenne et créole. Explorant l'ambiguïté de la représentation, de l'identité, du corps, du mouvement et de la danse comme outils de résistance, son intention est de créer une méditation sur un opéra qui se déploie à travers des formes sculpturales et des images en mouvement.
Julien Creuzet s’inspire de l'auteur et poète André Breton, figure emblématique du surréalisme, qui contribua à la réévaluation de l’importance de la culture africaine dans l'Histoire de l'art. Pendant la Seconde Guerre mondiale, André Breton tente d’émigrer aux États-Unis, mais alors qu’il est en route pour New York, il se trouve retenu en Martinique. Pendant son séjour, il explore alors les paysages et la culture locale, qui inspirent son écriture. C’est aussi dans ce contexte qu'il rencontre le poète, dramaturge et futur politicien Aimé Césaire, l'un des auteurs les plus influents des Antilles. L'œuvre d'André Breton, qui remet en question le canon occidental et complexifie l'idéologie dominante de l'époque, ainsi que les écrits de Aimé Césaire sur l'identité noire et le concept de Négritude, constituent un socle du projet de Julien Creuzet.
Les pensées d'Aimé Césaire sur la création d'un sens plus positif de l'humanité incluant les caractéristiques, l’histoire et les valeurs culturelles des peuples noirs, sont exprimées dans le Cahier d'un retour au pays natal. Mélange de poésie et de prose, il aurait commencé à composer cette œuvre littéraire sur une petite île de la côte adriatique de la Croatie. Des paysages marins et des rivages – qui rappellent ce voyage d'Aimé Césaire en Croatie – sont représentés sur des écrans accrochés au plafond. Ils illuminent l'espace, offrant un horizon pictural toujours en mouvement.
Mettant en avant les questions de modernité, de postmodernité et d'hybridité culturelle contemporaine, les formes sculpturales de l'exposition fonctionnent comme une découverte intime et puissante de plusieurs mondes qui se réunissent. Les images utilisées pour composer les œuvres proviennent de sources très diverses, notamment de sculptures africaines historiques, de paysages abstraits et de peintures se référant entre autres au travail de l’artiste Wifredo Lam. Ces compositions créent des passages qui nous invitent à réfléchir à la manière dont les histoires peuvent être des signes de changement et de résistance. L'exposition confronte le spectateur à l'animé et à l'inanimé, reliant l'espace clos de la galerie à un univers de références immensément plus vaste. Des avatars interprètent différentes danses afro-descendantes, alors que des poèmes et des sons énigmatiques et troublants composés par l'artiste font écho à l'éthique de la différence, à la créolisation et à la pluralité des pensées qui sont au cœur de la pratique de Julien Creuzet.
Cette exposition est organisée par Vassilis Oikonomopoulos, Directeur des expositions et des programmes et Martin Guinard, Curateur, assistés par Claire Charrier, Chargée de projet junior.
Julien Creuzet
Julien Creuzet est artiste plasticien, vidéaste, performeur et poète. Il passe l'essentiel de son enfance en Martinique. Ces premières années dans les Caraïbes, au croisement des cultures africaines, indiennes et européennes, imprègnent une œuvre où le mélange des imaginaires tient une place centrale. À travers des environnements constitués d’ensembles composites, il organise des passerelles entre les imaginaires de l’ailleurs, les réalités sociales de l’ici et les histoires minoritaires oubliées.