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Sueli Maxakali (1976, Santa Helena de Minas, Brésil) est l’une des cheffes des Tikmũ’ũn, plus connus sous le nom de Maxakali, peuple indigène de la région située entre les actuels États brésiliens de Minas Gerais, Bahia et Espírito Santo. Contraints de quitter la terre de leurs ancêtres pour survivre aux diverses agressions qui se sont accumulées au fil des siècles au point de les exposer au risque d’extinction dans les années 1940, les Tikmũ’ũn ont conservé leur langue et leur culture, et sont aujourd’hui répartis en communautés dans la vallée du Mucuri, au Minas Gerais. La vie dans les communautés traditionnelles s’articule autour et à partir de leur relation avec la myriade d’esprits qui peuplent la forêt atlantique, les Yãmĩyxop, et de leurs collections respectives de chants, sorte d’index de tous les éléments de la vie tikmũ’ũn – plantes, animaux, lieux, objets. La plupart de ces chants se chantent en chœur, comme la forme la plus essentielle de relation avec les esprits yãmĩyxop, invités par les communautés à chanter, danser et manger lors du rituel. Souvent destiné à la guérison et à la transformation du monde, le chant se pratique chez les Tikmũ’ũn comme un élément qui structure la vie : c’est par le chant que les souvenirs se perpétuent et que se forment les communautés. Chaque membre du peuple tikmũ’ũn possède et veille sur une partie du répertoire de chants des Yãmiyxop. Ce corpus renferme l’univers tikmu’un, qui comprend tout ce que ce peuple voit, ressent et avec quoi il interagit, mais aussi la mémoire des plantes et des animaux aujourd’hui disparus ou demeurés sur leur terre natale, dont les Tikmu’un ont été bannis au cours de la guerre coloniale.
En plus d’être cheffe, éducatrice et photographe, Sueli est une réalisatrice de films. Avec Isael Maxakali – son partenaire, qui est aussi artiste, cinéaste, chef et enseignant –, elle a produit certains des films les plus emblématiques de l’art indigène contemporain (pour reprendre la définition de Jaider Esbell), visant à enregistrer et à diffuser les traditions et les rituels ancestraux tout en transcendant, par la poésie, son engagement dans le combat pour les droits des peuples originels. Pour la 34e Bienal, l’artiste présente l’installation Kumxop Koxuk Yõg [Les Esprits de mes filles], collection d’objets, de masques et de robes faisant référence à l’univers mythique des Yãmĩyhex – femmes-esprits. Tous les travaux de l’exposition ont été réalisés avec des femmes et des jeunes filles de la communauté qui prennent soin de chacun de ces esprits yãmĩy.
Le processus collectif de création de l’œuvre fait écho à l’organisation de la communauté tikmũ’ũn elle-même, et partant, il étire et secoue le sens, les limites et la pertinence de la production artistique dans un contexte aussi spécifique en nous présentant d’autres régimes de paternité et de créativité. La participation de Sueli Maxakali à la Bienal s’inscrit dans le droit-fil de la lutte de son peuple pour la terre, à commencer par la construction d’un nouveau village dans la municipalité de Ladainha, dans l’État du Mina Gerais, où le projet Aldeia-Escola-Floresta [Village-École-Forêt] est en cours de développement par le biais d’initiatives visant à reconnaître le savoir traditionnel tikmũ’ũn, à former de jeunes artistes et cinéastes, à s’occuper de fermes et à encourager la reforestation.